Comment calculer le quorum lors d’une assemblée générale ?

28/09/2021
  • La notion de quorum

Le quorum représente la fraction minimum de capital social que les associés présents ou représentés lors d’une assemblée doivent posséder afin que cette dernière soit régulièrement constituée et puisse valablement délibérer. L’objectif de ce minimum est d’assurer que les décisions de l’assemblée soient le reflet de la volonté de la collectivité des associés. En effet, en l’absence d’exigence de quorum, la minorité des associés pourrait prendre toutes les décisions qui intéressent l’assemblée. Cela se comprend aisément si on envisage un cas extrême : si seul un associé se présente à l’assemblée et qu’il détient uniquement 1% des actions ou parts ayant le droit de vote, rien ne s’opposerait, en l’absence de quorum, à ce qu’il prenne seul toutes les décisions inscrites à l’ordre du jour.

Si l’exigence d’un quorum garantit la représentativité des décisions prises par l’assemblée générale, elle peut aussi susciter des difficultés lorsque la fraction nécessaire n’est pas atteinte : il faut alors dresser un procès-verbal de carence et convoquer une nouvelle assemblée générale.

Il faut prêter une attention particulière au mode de calcul du quorum car une erreur peut constituer une cause de nullité de l’assemblée générale. 

  • Le mode de calcul du quorum

Si le quorum diffère d’une forme sociale à l’autre, le principe du calcul reste le même.

Deux points méritent d’être soulignés : tout d’abord, le quorum se calcule en fonction du nombre de droits sociaux et non en fonction du montant du capital. Ainsi, les différences éventuelles de valeur nominale entre les actions d’une société sont sans incidence sur le calcul du quorum. La question ne se pose pas pour les parts sociales d’une société à responsabilité limitée. Ensuite, seuls doivent être pris en compte les droits sociaux ayant le droit de vote. Il faut donc toujours veiller, préalablement au calcul du quorum, à exclure les droits sociaux qui sont privés de droit de vote. La vérification du quorum doit se faire à l’ouverture de l’assemblée mais également à l’occasion du vote de chaque résolution car il est possible que certains droits sociaux soient privés de droit de vote pour certaines décisions uniquement. Il se peut également que le quorum diffère d’un type de décisions à l’autre. Doivent notamment être exclues les actions de préférence à droit de vote suspendu ou supprimé, les actions non libérées des versements exigibles, les actions d’autocontrôle, ou encore les actions à dividende prioritaire sans droit de vote. De plus, l’associé qui est partie à une convention réglementée n’est pas autorisé à voter la résolution tendant à l’approbation de cette dernière. Dès lors, ses actions ou ses parts sociales doivent être retranchées de la masse de calcul du quorum pour cette résolution uniquement. Le même raisonnement s’applique à la procédure des avantages particuliers.

De manière générale, tous les droits sociaux privés de droit de vote en application d’une disposition législative ou réglementaire doivent être exclus de la masse de calcul du quorum. En dehors de ces cas, lorsqu’il s’agit seulement d’une impossibilité d’exercer le droit de vote, il n’y a pas lieu d’écarter les actions ou parts correspondantes du calcul du quorum. La question s’était notamment posée à propos de copropriétaires d’actions indivises qui n’étaient pas parvenus à désigner un représentant. Une réponse ministérielle avait alors assimilé les titres à des actions privées de droit de vote (Rép. Min. n° 16196, JOAN Q. 1er mars 1975), suscitant de vives critiques de la doctrine, qui considérait qu’une distinction devait être opérée entre la privation de droit de vote et sa seule paralysie. Les indivisaires se trouvant en l’espèce seulement dans l’incapacité d’exercer leur droit de vote, il n’y avait pas lieu d’exclure leurs actions de la masse de calcul du quorum.

La masse de calcul du quorum peut être résumée selon la formule qui suit :

Masse de calcul du quorum = nombre total de droits sociaux – droits sociaux privés de droit de vote

Pour déterminer le quorum, il faut appliquer à cette masse une fraction qui dépend de la forme de la société concernée.

  • Le calcul du quorum dans les sociétés anonymes (SA)

Dans les sociétés anonymes, les assemblées générales ordinaires ne délibèrent valablement que si les actionnaires présents ou représentés détiennent au moins, sur première convocation, un cinquième des actions ayant le droit de vote. Aucun quorum n’est requis sur seconde convocation (C. com., art. L. 225-98).

Les assemblées générales extraordinaires ne délibèrent valablement que si les actionnaires présents ou représentés détiennent au moins, sur première convocation, un quart des actions ayant le droit de vote. Sur seconde convocation, ce quorum est abaissé à un cinquième des actions ayant le droit de vote (C. com., art. L. 225-96).

Les assemblées spéciales se voient appliquer des règles différentes : elles ne délibèrent valablement que si les actionnaires présents ou représentés détiennent au moins, sur première convocation, le tiers des actions ayant le droit de vote. Sur seconde convocation, ce quorum est abaissé à un cinquième des actions ayant le droit de vote (C. com., art. L. 225-99).

Pour les sociétés non cotées et quel que soit le type d’assemblée concerné, ces fractions ne sont qu’un minimum : les statuts peuvent toujours prévoir un quorum plus élevé, ce qui en revanche est interdit pour les sociétés cotées (C.Com., art. L.22-10-31 et suivants).

  • Le calcul du quorum dans les sociétés à responsabilité limitée (SARL)

Les assemblées générales ordinaires de sociétés à responsabilité limitée peuvent valablement se réunir quelle que soit la fraction du capital social détenue par les associés présents ou représentés, la loi n’impose pas de quorum. Il est cependant loisible aux associés d’en prévoir un dans les statuts.

En revanche, les décisions sont adoptées, sur première consultation, par un total de voix représentant plus de la moitié des parts sociales (C. com., art. L. 223-29, al. 1er). Cette règle de majorité absolue implique nécessairement que les associés présents ou représentés détiennent au moins la moitié des parts sociales pour prendre une décision. Il est donc tout à fait possible qu’une assemblée soit régulièrement constituée sans pouvoir prendre de décision. Par exemple, si les associés présents ou représentés détiennent 49% des parts sociales, l’assemblée générale est valable, mais aucune résolution ne peut être adoptée.

La détermination du quorum applicable aux assemblées générales extraordinaires impose quant à elle de distinguer suivant que la société a été constituée avant ou après le 4 août 2005.

Aucun quorum n’est requis pour les sociétés constituées avant le 4 août 2005, mais elles peuvent opter, à l’unanimité des associés, pour le régime postérieur à cette date (C. com., art. L. 223-30, al. 4). Cependant, les décisions ne sont valablement adoptées que par un total de voix représentant au moins les trois quarts des parts sociales, ce qui signifie que, si l’assemblée est régulièrement constituée quelle que soit la quotité détenue, elle ne pourra adopter de décisions que si les associés présents ou représentés détiennent au moins les trois quarts des parts sociales. Suivant la même logique que pour les assemblées générales ordinaires, l’assemblée générale extraordinaire peut être régulièrement constituée sans pouvoir, pour autant, prendre de décisions.

La loi du 2 août 2005 (Loi n° 2005-882 du 2 août 2005) en faveur des petites et moyennes entreprises a allégé les règles de majorité et a institué un quorum pour les sociétés constituées après le 4 août 2005. L’assemblée générale extraordinaire ne délibère valablement que si les associés présents ou représentés détiennent, sur première convocation, au moins un quart des parts sociales. Ce quorum est abaissé à un cinquième des parts sociales sur seconde convocation (C. com., art. L. 223-30, al. 3). Les statuts de ces sociétés peuvent cependant prévoir un quorum supérieur.

En cas de non-respect de ces dispositions, toute partie intéressée peut demander l’annulation des décisions adoptées en contravention de ces règles (C.com., art. L. 223-30).

  • Le calcul du quorum dans les sociétés par actions simplifiées (SAS)

Les sociétés par actions simplifiées sont soumises aux règles de quorum des sociétés anonymes si elles ont recours au financement participatif.

En dehors de ce cas, les associés sont entièrement libres de fixer les règles de quorum qui s’appliquent à leur société. Ils peuvent décider de ne pas imposer de quorum, de ne pas distinguer selon les décisions, ou au contraire créer différentes catégories de décisions qui se verront appliquer des règles de quorum différentes. A défaut de précision, les règles relatives à la société anonyme s’appliquent.

Les associés doivent garder à l’esprit, lors de la rédaction des statuts, que la fixation du quorum répond à deux impératifs contradictoires : d’une part, il doit être suffisamment élevé pour garantir la représentativité des assemblées générales ; d’autre part, il ne doit pas paralyser la prise de décisions et ainsi être suffisamment faible pour être atteint sans trop de difficultés.

Le calcul s’effectue ensuite suivant les mêmes principes que ceux applicables aux sociétés anonymes et aux sociétés à responsabilité limitée, à savoir sur le nombre d’actions ayant le droit de vote.

Il faut être particulièrement attentif à la rédaction des statuts pour éviter les mauvaises surprises. Les associés fondateurs d’une société d’exercice libéral par actions simplifiée l’ont appris à leurs dépens dans une affaire jugée le 5 mai 2009 par la Cour de cassation (Com. 5 mai 2009, n° 08-17.831). Les 1.200 actions qui composaient le capital social étaient réparties en deux catégories : 240 actions de catégorie A, détenues par les associés fondateurs, et 960 actions de catégorie B. Les statuts stipulaient que les actions de catégorie A conféraient toujours 51% des droits de vote au moins, quel que soit leur nombre, de sorte que les actions de catégorie B ne pouvaient jamais conférer plus de 49% de ces droits. Ils prévoyaient également un quorum pour l’assemblée générale extraordinaire : cette dernière ne délibérait valablement que si les associés présents ou représentés détenaient au moins, sur première convocation, les trois quarts des actions ayant le droit de vote.

C’est dans ces circonstances qu’une assemblée générale a prononcé la révocation et l’exclusion des deux associés fondateurs, à l’unanimité des associés présents, à savoir les seuls titulaires d’actions de catégorie B. Les associés fondateurs ont alors contesté la délibération au motif les associés présents détenaient seulement 49% des droits de vote. La Cour d’appel et la Cour de cassation, faisant une application stricte de la lettre des statuts, ont confirmé la validité de l’assemblée générale : les 960 actions de catégorie B représentant plus de trois quarts des actions, la condition de quorum était satisfaite. Il n’y avait alors pas lieu de tenir compte des limitations de droit de vote, indifférentes aux règles de quorum. Les associés fondateurs, pourtant rédacteurs de la clause, se sont fait surprendre par la seule hypothèse dans laquelle une décision pouvait être adoptée sans eux : l’assemblée tenue en leur absence par la totalité des autres associés.

En cherchant sans doute à se prémunir spécifiquement de ce type de situation, les associés ont rédigé les statuts en opérant une confusion entre majorité et quorum qui leur a « coûté leur place » dans la société, ce qui illustre parfaitement la nécessité de prêter une attention particulière à l’élaboration des règles de tenue des assemblées.

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Par Catherine Stracchi

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