La représentation des associés en assemblée générale, comment ça marche?
11/05/2021
Tout associé a le droit de participer aux décisions collectives de la société dans laquelle il a investi (article 1844 alinéa 1 du code civil) et doit, le cas échéant, pouvoir s’y faire représenter. Consacré plus précisément pour les sociétés anonymes, il est d’ordre public que l’actionnaire puisse donner mandat à un tiers afin de faire valoir ses droits et le représenter lors de cette réunion (article L. 225-106 du code de commerce).
Réunir une assemblée générale peut s’avérer coûteux, particulièrement pour les sociétés cotées, dans lesquelles le quorum est parfois difficile à atteindre. Le report d’une assemblée générale, à défaut de quorum, a donc des conséquences financières non négligeables pour la société. Compte tenu de ces enjeux, la représentation des associés aux assemblées générales est ainsi un outil essentiel.
Dans quels cas de figure les associés peuvent-ils se faire représenter ? Cas d’extrême nécessité ? Simple motif personnel ? Cas limitativement énumérés par la loi ?
Dans tous les cas et sans avoir à le justifier, tout associé a le droit de se faire représenter à l’assemblée générale par un tiers en lui donnant mandat d’exercer ses pouvoirs. Dans d’autres cas, la représentation ne fait pas l’objet d’un choix, mais d’une obligation résultant de la loi.
La représentation choisie
Je suis associé d’une société et je ne peux être présent à son assemblée générale : qui peut me représenter ?
Dans la société anonyme (SA), un actionnaire peut se faire représenter par tout autre actionnaire, son conjoint ou le partenaire avec lequel il a conclu un pacte civil de solidarité (1). Les statuts ne sauraient déroger à ces règles en imposant, par exemple, certains critères ou conditions que la personne mandatée devrait remplir. Dans les sociétés cotées, un actionnaire peut se faire représenter, plus généralement, par toute personne physique ou morale.
Dans la société à responsabilité limitée (SARL), l’associé peut se faire représenter par son conjoint, à moins que les deux époux soient les seuls associés de la société, ou par tout autre associé si le nombre d’associés est supérieur à deux. Si les statuts l’autorisent, l’associé peut se faire représenter par une autre personne (2).
Une fois mandaté, le représentant a le devoir d’exécuter personnellement sa mission et ne peut déléguer ce pouvoir à une autre personne. En tout état de cause, la mission du mandataire est de taille puisqu’il exerce les droits de l’associé, en l’occurrence la parole et le vote.
Bien qu’aucune disposition législative ne soit explicite à ce sujet, la doctrine soutient qu’un mandataire n’est pas limité quant au nombre de mandats qu’il peut recevoir. Toutefois, les statuts d’une société par actions simplifiée (SAS) peuvent prévoir une limite au nombre de mandats reçus.
Une attention particulière doit être apportée au pouvoir. Si le bureau (ou le président de l’assemblée), qui assure la police de l’assemblée générale, émet un doute quant à l’authenticité de la preuve de la représentation, il pourra décider, par mesure de sécurité, d’interdire le vote et, parfois même, l’accès à la salle au représentant de l’associé. Il est donc utile de vérifier en amont la régularité du pouvoir afin de s’économiser un déplacement inutile.
Puis-je donner mandat à mon avocat ?
Titulaire d’un mandat ad litem l’exemptant de l’obligation de justifier du mandat qu’il a reçu pour représenter ou assister en justice une partie, l’avocat doit justifier de son mandat pour représenter un associé à l’assemblée générale. Mais, encore faut-il que l’avocat soit autorisé à représenter cet associé.
Comme évoqué ci-dessus, dans la société anonyme, un actionnaire ne peut être représenté que par son conjoint, son partenaire de PACS ou un autre actionnaire. De ce fait, un avocat ne peut pas recevoir de mandat afin de représenter un actionnaire dans une SA. Par exception, les actionnaires d’une société dont les actions sont admises sur un marché réglementé peuvent se faire représenter par un avocat.
Les sociétés à responsabilité limitée (SARL) et sociétés par actions simplifiées (SAS) peuvent, dans leurs statuts, prévoir la possibilité pour un associé de désigner un mandataire non associé et ouvrir ainsi la voie à la représentation par un avocat.
La représentation obligatoire
La représentation d’une personne morale associée
Une personne morale, associée, est représentée aux assemblées générales par son représentant légal qui est habilité à la représenter auprès des tiers et n’a pas, à ce titre, à fournir de mandat.
Par ailleurs, à moins que les statuts ne prévoient le contraire, le représentant légal peut donner mandat à un tiers aux fins de le représenter et de voter les décisions soumises à l’assemblée. Pour ce faire,
le tiers devra, lors de l’assemblée générale, justifier de ce mandat en fournissant un pouvoir signé par le représentant légal. La personne morale associée peut également donner mandat à une autre personne morale qui sera elle-même représentée par une personne physique.
Quelles spécificités pour un majeur protégé ?
Certains majeurs protégés par la loi ont besoin de se faire représenter pour exercer leurs droits. Il convient de différencier les majeurs sous sauvegarde de justice, les majeurs sous curatelle et les majeurs sous tutelle.
Les premiers conservent l’exercice de leurs droits (article 435 alinéa 1 du code civil). En effet, le majeur sous sauvegarde de justice n’a pas besoin de se faire représenter et peut assister à l’assemblée générale et y voter, à moins qu’il n’ait donné mandat à une autre personne pour administrer ses biens.
Le majeur sous curatelle peut assister seul à l’assemblée générale et y voter. Cependant, il doit être assisté par son curateur si la décision proposée a des conséquences importantes sur le contenu ou la valeur de son patrimoine ou en cas de décisions lourdes parmi lesquelles figure, par exemple, la modification des statuts de la société.
Le majeur sous tutelle est représenté, lors de l’assemblée générale, par son tuteur pour tous les actes d’administration mais ce dernier doit obtenir une autorisation du juge des tutelles pour les actes de disposition.
Et les mineurs ?
Un mineur peut tout à fait être associé d’une société, mais se pose alors la question de sa représentation. Il convient de différencier le mineur émancipé, qui est capable, comme un majeur, de tous les actes de la vie civile (article 413-6 du code civil), d’un mineur qui ne l’est pas.
Un mineur émancipé n’a pas besoin d’être représenté à une assemblée générale : il peut y assister seul et voter les décisions. De manière générale, il peut effectuer tous les actes d’administration et de disposition concernant son patrimoine sans aucune autorisation.
En revanche, il n’est pas reconnu au mineur non émancipé le droit de prendre part au vote des décisions soumises à l’assemblée générale. Il doit, au contraire, y être représenté par ses parents ou, le cas échéant, son tuteur qui voteront en son nom. Cela est valable pour autant qu’il s’agisse d’actes d’administration. Dès lors que la décision soumise au vote est susceptible d’avoir des conséquences sur le contenu ou la valeur du patrimoine du mineur, les choses se compliquent et peuvent nécessiter, si les parents ne sont pas d’accord sur le vote, l’avis du juge des tutelles.
Catherine Stracchi
Practice Leader, Corporate – Dolidon Partners.
1) Article L. 225-106 du code de commerce.
2) Article L. 223-28 du code de commerce.