L’attractivité de la procédure de conciliation comme solution de sortie de crise.

20/05/2021

Afin d’anticiper les risques d’un essoufflement de la trésorerie et de ses conséquences, et donc éviter notamment l’ouverture d’une procédure collective, le législateur met à la disposition du dirigeant deux outils préventifs : le mandat ad hoc et la conciliation. Ces deux procédures confidentielles consistent schématiquement à faire intervenir un professionnel du chiffre et/ou du droit, extérieur à l’entreprise, qui aura pour mission d’en préserver les intérêts, et dont la désignation n’emportera surtout aucun dessaisissement du dirigeant qui conservera tous ses pouvoirs.

La procédure de mandat ad hoc est souple et peu encadrée. Elle est réservée aux entreprises in bonis (1), qui souhaitent voir désigner un mandataire dont la mission consistera notamment à faciliter le dénouement de blocages internes ou la conclusion d’accords avec les créanciers de l’entreprise, pour assurer la pérennité de l’activité.

La procédure de conciliation, quant à elle, est plus réglementée (2), du fait des nombreux avantages qu’elle offre à ceux qui la sollicitent. De surcroît, dans le contexte de crise sanitaire et afin d’anticiper l’accumulation des contentieux, les pouvoirs publics en ont renforcé les atouts pour le débiteur.

La conciliation peut être sollicitée par une entreprise qui est en état de cessation des paiements depuis moins de 45 jours.

L’ouverture d’une conciliation peut être mise en œuvre par une entreprise in bonis, mais également par une entreprise qui se trouve en situation de cessation des paiements depuis moins de quarante-cinq (45) jours.

En synthèse, l’entreprise sollicite du président du tribunal la désignation d’un conciliateur qui aura pour mission de favoriser la conclusion d’un accord amiable entre l’entreprise et ses principaux créanciers, via des remises de dettes ou des échéanciers de paiement.

Les procédures de conciliation ouvertes avant le 31 décembre 2021 peuvent se poursuivre sur une période de 10 mois.

En principe, la procédure de conciliation est ouverte pour une période de quatre (4) mois, prolongeable pour atteindre une durée maximum de cinq (5) mois. Dans le contexte de la crise sanitaire, les procédures de conciliation ouvertes entre le 25 août 2020 et le 31 décembre 2021 peuvent être prorogées plusieurs fois pour atteindre une durée maximum de dix (10) mois (3).

Le principal avantage de la procédure de la conciliation par rapport au mandat ad hoc réside dans l’arsenal mis à la disposition du conciliateur pour convaincre les principaux créanciers de conclure un accord amiable. Par exemple, les créanciers qui consentent au débiteur un nouvel apport en trésorerie, ou ceux qui lui fournissent un bien ou un service aidant à assurer sa pérennité, pourront bénéficier du privilège dit du new money. Cela signifie que si la conciliation n’aboutit pas favorablement, et qu’une procédure collective est ouverte à l’égard de l’entreprise, lesdits créanciers seront payés, par préférence, avant ceux non-appelés à la conciliation, et ceux qui avaient refusé tout accord.

La position de négociation du débiteur est renforcée pour les procédures ouvertes avant le 31 décembre 2021.

Les ordonnances d’urgences sanitaires (4) ont renforcé la position de négociation des entreprises en difficulté, confinant sensiblement la procédure de conciliation à l’usage de la carotte ou du bâton. Jusqu’au 31 décembre 2021, si un créancier appelé à la conciliation n’accepte pas de suspendre l’exigibilité de sa créance, le débiteur pourra demander au juge de prononcer, pour la durée de la procédure, l’interruption ou l’interdiction de toute action en justice de la part de ce créancier, l’arrêt ou l’interdiction de toute procédure d’exécution de sa part, et enfin le report ou l’échelonnement des sommes dues (5). En d’autres termes, jusqu’au 31 décembre 2021, le juge aura les plus larges pouvoirs pour accorder au débiteur, avant tout procès, les délais que le créancier lui aura refusés, donnant ainsi aux entreprises le répit nécessaire à leur réorganisation.

Lorsque la procédure de conciliation permet de trouver un accord avec les créanciers appelés à la procédure, cet accord peut être constaté par le président du tribunal, ou, à la demande du débiteur et sous certaines conditions, être homologué. Seule l’homologation de l’accord permet aux créanciers de bénéficier du privilège du new money. Le constat et l’homologation confèrent au protocole force exécutoire. Le protocole entraîne ainsi la suspension ou l’interdiction de toute action en justice et de toute poursuite individuelle dans le but d’obtenir le paiement des créances qui font l’objet de l’accord. En outre, les coobligés et les garants peuvent se prévaloir des dispositions du protocole, et ainsi ne pourront pas être poursuivis tant qu’il est exécuté.

La procédure de conciliation, récemment renforcée par le législateur, place l’entreprise en position de négociation vis-à-vis de ses créanciers, et lui offre un répit judiciaire qui peut s’avérer salvateur.

La procédure de conciliation est un outil de rebond adapté au présent contexte de crise, et ainsi une saine décision de gestion pour une entreprise qui anticipe ses difficultés.

Mylène Garrouste et Frédéric Maury

Avocats au Barreau de Paris, Dolidon Partners.

(1) Entreprise n’étant pas en situation de cessation des paiements, c’est-à-dire dont l’actif disponible (notamment, sa trésorerie) lui permet de faire face à son passif exigible (notamment, d’acquitter ses dettes arrivées à échéance).

(2) Articles L. 611-4 à L. 611-16, et R. 611-22 à R. 611-46-1 du code de commerce.

(3) Article 1 de l’ordonnance n° 2020-1443 du 25 novembre 2020.

(4) Ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020, ordonnance n° 2020-1443 du 25 novembre 2020.

(5) Article 2 de l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020.